Un salarié dont le droit au repos entre deux journées de travail n’a pas été respecté peut être indemnisé sans avoir à démontrer de préjudices… Il pourra l’être sur la base d’un manquement à l’obligation de santé – sécurité qui pèse sur l’employeur.
JURISPRUDENCE SOCIALE
A propos de l’arrêt et des jugements de :
- Cour de Cassation, Cass. soc. 7 février 2024, n° 21-22.809
- Cour d’appel de Caen, 1ère Chambre sociale, Arrêt du 22 mai 2025, Répertoire général nº 23/02345
- Cour d’appel de Bordeaux, Chambre sociale, Section B, Arrêt du 5 juin 2025, Répertoire général nº 22/05702.
11 heures de repos légales entre deux jours de travail…
Le repos quotidien entre deux journées de travail (en général, de 11 heures légales), qualifié parfois “repos nocturne” (pour les travailleurs “diurnes”), est d’ordre public. Les droits qu’il reconnait sont particulièrement garantis…
Dans une des décisions, le salarié saisit la juridiction prud’homale, aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi qu’au versements de dommages et intérêts, pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité au regard du respect des temps de repos entre deux périodes de travail.
La Cour d’appel rejette la demande d’indemnisation, non pas en raison de l’absence de preuve du non-respect par l’employeur des temps de repos, mais au motif que le salarié ne démontre pas en quoi cela a pu lui porter préjudice. Le salarié forme un pourvoi.
La Cour de cassation censure la décision d’appel. Elle considère que le seul fait qu’un salarié n’ait pas bénéficié de son droit au repos quotidien constitue un manquement de l’employeur ouvrant droit à indemnisation. Le droit à indemnisation ne vient pas réparer un préjudice qui découlerait automatiquement du manquement à une contrainte juridique. Il s’agit ici d’indemniser un salarié du seul fait que son employeur manque à une obligation, sans référence à un quelconque préjudice.
ÉCLAIRAGES :
La Cour de cassation fait une nouvelle exception au principe de l’absence de préjudice nécessaire concernant les temps de repos obligatoire sur le fondement de l’obligation de sécurité.
Elle avait déjà indiqué que le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail entrainait un préjudice nécessaire (Cass. soc, 14 décembre 2022, n° 21-21.411 ; Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-22.281).
L’employeur n’a pas respecté les temps de repos pourtant imposés par le législateur pour des raisons de préservation de la santé et droit à une vie personnelle. Pourtant, ce positionnement n’allait pas de soi. Il se trouve même être à contre-courant de la pratique juridique.
En droit du travail, la règle est généralement la réparation du préjudice découlant d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
La reconnaissance même du préjudice a déjà bien évolué. Les juges sont venus admettre la reconnaissance d’un préjudice moral d’anxiété pour le risque d’exposition à l’amiante.
Pour autant, c’est bien jusqu’ici le seul préjudice qui permettait la condamnation à verser des dommages et intérêts.
Cet arrêt condamnant à la réparation du seul fait d’un manquement à une obligation légale consacre ainsi une évolution du contentieux de l’indemnisation.
La Cour de cassation n’a pas visé dans son dispositif l’article L. 3164-1 du Code du travail portant sur le droit au repos. Les juges se sont référés à l’accord collectif applicable dans l’entreprise (mêmes dispositions que la loi.
Est visé également l’article L. 4121-1 portant sur l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs placés sous son autorité.
Le juge pourrait ainsi s’essayer à élargir de plus en plus souvent le régime de l’indemnisation des salariés lorsqu’il est démontré que l’employeur a manqué à une obligation de sécurité (sans qu’il ne soit exigé qu’un préjudice ne découle directement de ce manquement).
JURISPRUDENCE EN ACTIONS :
Conseiller aux défenseurs syndicaux d’être vigilants dans la démonstration de l’existence, au moins hypothétique, d’un préjudice.
ACTUALITÉ DE CETTE JURISPRUDENCE :
° Cour d’appel de Caen, 1ère Chambre sociale, Arrêt du 22 mai 2025, Répertoire général nº 23/02345 : dans l’analyse des situations de fait : l’entreprise justifiait « avoir établi des notes internes insistant sur la nécessité de respecter un repos quotidien de 11 H (entre deux jours travaillés) et hebdomadaire de 35 H (entre deux semaines travaillées) … le suivi des jours de travail établit que Mme Z a systématiquement bénéficié de deux jours de repos hebdomadaires. Elle ne soutient pas, par ailleurs, n’avoir pas bénéficié de 11 H de repos journalier (…) Les temps de repos journaliers (11 H) et hebdomadaires (35 H) devaient être respectés”.
Le suivi des jours de travail établissait que Mme [Z] avait systématiquement bénéficié de deux jours de repos hebdomadaires : elle n’a donc pas travaillé 7 jours sur 7 comme prétendu.
Cour d’appel de Bordeaux, Chambre sociale, Section B, Arrêt du 5 juin 2025, Répertoire général nº 22/05702 : « l’heure d’arrivée et l’heure de départ faisant apparaître qu’à de très rares occasions, le temps de repos de 11 heures n’avait pas été respecté. »
Secteur Juridique National UNSA.
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