Les agents du nettoyage sont exposés à des situations de travail “difficilement soutenables”

Le 13 novembre 2025, l’Anses a publié un rapport choc sur les conditions de travail des agents de nettoyage et leurs impacts sur la santé. Réalisée entre 2021 et 2024, cette expertise conclut que ces travailleurs, pourtant indispensables, évoluent dans des situations « difficilement soutenables ».

Un secteur marqué par la précarité et la sous-traitance

En France, les agents de nettoyage représentent entre 1,2 et 1,4 million de salariés (près de 5 % de l’emploi salarié). Le profil type ? 73,5 % de femmes et 20 % de travailleurs immigrés. Temps partiel, bas salaires et précarité sont la norme.

L’Anses distingue trois grandes catégories d’emplois :

  • Secteur public : ~600 000 emplois (43 à 50 %) – écoles, hôpitaux, Ehpad publics…
  • Entreprises hors propreté : ~350 000 emplois (25 à 29 %) – hôtellerie, commerces, industries…
  • Prestataires de propreté : ~500 000 emplois (36 à 42 %), dont 150 000 très faibles volumes horaires

La sous-traitance a explosé : elle ne représentait que 18 % des emplois en 1982 contre plus de 35 % en 2020 (et jusqu’à 65 % dans le privé). Ce modèle accentue la fragmentation des emplois, les multi-employeurs et complique le suivi médical.

Des risques multiples et cumulés

Les agents de nettoyage cumulent des expositions rarement rencontrées dans d’autres métiers :

1. Risques physiques et chimiques

  • Intensité physique élevée → forte prévalence de troubles musculo-squelettiques (lombalgies, épaules, canal carpien, genoux)
  • Exposition aux produits chimiques → niveau de preuve élevé pour l’asthme professionnel et les dermatites (sprays, désinfectants irritants ou sensibilisants)
  • Fiches de données de sécurité souvent incomplètes ou erronées
  • Surexposition au risque routier et aux agents biologiques

2. Risques liés à l’organisation du travail

  • Horaires fragmentés et atypiques → troubles du sommeil, risques cardiovasculaires, dépression
  • Isolement et faible soutien social
  • Manque criant d’autonomie et de marge de manœuvre
  • Invisibilisation et dévalorisation du « sale boulot » → sentiment d’infériorisation
  • Conflits de valeurs : impossibilité de « bien faire » son travail face à l’intensification

Une santé plus dégradée que la moyenne des ouvriers

Conséquence directe de cette poly-exposition :

  • Accidents du travail plus fréquents et plus graves
  • Taux de maladies professionnelles deux fois plus élevé que la moyenne
  • Licenciements pour inaptitude presque deux fois plus nombreux
  • Forte prévalence de pathologies respiratoires, dermatologiques et de troubles mentaux

L’Anses conclut que ces salariés déclarent un état de santé plus mauvais que les autres ouvriers, avec un risque accru de désinsertion professionnelle.

Les recommandations de l’Anses

Face à ce « cercle vicieux », l’agence formule des préconisations fortes :

Mesures générales

  • Faire évoluer les organisations pour privilégier le nettoyage en journée
  • Adapter les formations prévention à cette population vulnérable
  • Renforcer la prévention des TMS

Spécifiquement pour la sous-traitance

  • Rappeler et renforcer l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre
  • Étendre aux sous-traitants propreté les responsabilités de l’entreprise utilisatrice (comme dans l’intérim)
  • Intégrer les sous-traitants dans les instances de dialogue social des donneurs d’ordre
  • Étudier une régulation des cotisations AT/MP pour que le coût soit partagé entre prestataire et donneur d’ordre

En résumé : l’Anses appelle à sortir de l’invisibilité ces travailleurs essentiels et à casser le modèle économique qui sacrifie leur santé. Un rapport qui tombe à point nommé alors que le secteur reste l’un des plus précaires de France.