Intelligence Artificielle (IA) et propriété intellectuelle !?

L’Intelligence Artificielle (IA) est un ensemble de méthodes informatiques capables d’imiter certaines aptitudes humaines, comme la reconnaissance d’images, le traitement du langage, la prise de décision ou la création artistique. Avec l’essor de l’IA, désormais ces dernières sont capables de générer des images, des textes, des musiques, voire des vidéos ce qui peut porter atteinte au droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’aux droits patrimoniaux d’exploitation de ces même droits de propriété et d’usage… Vous en dire plus !

MON “IA” À MOI, AU DÉVELOPPEUR DES LIGNES DE CODE DU PROGRAMME ET DES ALGORITHMES INFORMATIQUES !?

° Cadre juridique actuel et la place de l’IA

La propriété intellectuelle, en France, est régie principalement par le Code de la Propriété Intellectuelle.

À l’échelle internationale, différents traités et conventions s’appliquent, notamment la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (OMPI), ou encore les Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC / TRIPS) dans le cadre de l’OMC.

C’est en ce sens que l’article L.111-1 du CPI dispose que :

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Et les juges ?

Aujourd’hui, les juges et les offices de Propriété Intellectuelle considèrent qu’une IA ne peut pas être reconnue comme « auteur » car elle n’est pas une personne physique et ne dispose pas d’intention créatriceC’est donc la personne (physique ou morale) qui utilise l’IA qui est susceptible de revendiquer les droits, à condition d’avoir apporté une intervention humaine significative – arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 15 mars 2005, soulignant la nécessité d’une empreinte personnelle.

Un cas récent illustre aussi bien le cadre juridique actuel notamment dans l’affaire « DABUS ». En 2019, Stephen Thaler a déposé des demandes de brevets en désignant son IA nommée « DABUS » comme inventeur. L’Office européen des brevets (OEB) et l’USPTO (États-Unis) ont rejeté ces demandes l’année suivante, estimant que seul un humain peut être reconnu inventeur au sens du droit des brevets.

L’affaire « DABUS » démontre ainsi que les législations actuelles ne prévoient pas la possibilité pour une IA d’être titulaire ou créatrice d’un droit de propriété intellectuelle.

° Les marques et dessins/modèles

Imaginons que l’IA génère un logo, un dessin ou un modèle, alors, ceux-ci peuvent être protégés à condition qu’une personne (physique ou morale) dépose une demande auprès de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) ou de l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle)… Mais cet argument n’est en soi pas suffisant si l’on considère que même le dépôt de marque pourrait être à terme “automatisé”.

° En quoi l’IA touche-t-elle la propriété intellectuelle ?

Tout d’abord, il existe des “zones grises” juridiques, par exemple, la question de la titularité des droits (développeur, utilisateur, entreprise) reste floue. Le droit actuel ne prévoit pas de statut spécifique pour l’IA.

L’IA touche aussi la propriété intellectuelle à travers la contrefaçon, qui peut se produire si l’IA reprend « trop » d’œuvres existantes. Les utilisateurs peuvent croire que tout ce qui est produit par l’IA leur appartient. L’Humain resterait-il donc le seul auteur pour s’assurer d’un responsable d’une contrefaçon à qui demander de rendre des comptes ?

° Quid de la responsabilité ?

La responsabilité en cas de litige est difficile à établir car il faut distinguer le concepteur de l’IA, l’utilisateur, et la société qui propose le service.

Elle pourra être partagée.

DROIT EN ACTIONS :

Cette question affecte le contrat de travail chaque fois que les salariés créent ou exploitent l’IA dans le cadre de leur profession ou à des fins professionnelles dans l’entreprise.

La question des droits d’auteurs de ces “créatifs” en entreprise étaient déjà un périmètre à risque désormais plus pour les entreprises que pour les salariés, mieux protégés, depuis une grosse dizaine d’années que la reconnaissance de droits d’auteurs spécifiques aux salariés est plus largement établie. Qu’en sera-t-il des oeuvres des créatifs produites par l’intelligence artificielle ?

L’employeur qui avait l’obligation de rémunérer et de “désintéresser” les auteurs de leurs droits subjectifs par une contrepartie financière (sous réserve qu’elle remplisse bien les conditions d’une oeuvre nouvelle et originale…), n’y verra t-il pas l’occasion de revenir sur ses engagements ou de proposer des réfactions des rémunérations ?

Les premiers litiges apparaissent d’employeurs faisant griefs à leurs salariés d’utiliser ChatGPT ou d’autres IA génératives au lieu de faire la démonstration de leur créativité personnelle, celle revendiquée dans leur CV et réclamée en vertu de leurs diplômes et ce quels que soient la qualité des oeuvres “livrées” par l’Intelligence artificielle, leur manque d’originalité du fait de leur caractère immanquablement “d’oeuvres dérivées” puisque générées par l’agrégation de “briques” d’oeuvres ou de représentations-clés préexistantes… L’Humain prévaut encore en droit sur l’intelligence artificielle créative… À suivre.

Berfin AGIRDAG (juriste) et Christian HERGES (Responsable Juridique), Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour toute question, juridique@unsa.org