Le 18 décembre dernier, le Conseil d’État a rendu sa décision concernant le recours en annulation sur le décret du 17 avril 2023. Pour l’UNSA, elle est insatisfaisante et discutable.
En juin 2023, l’UNSA avec d’autres organisations syndicales, avait saisi le Conseil d’État à propos de ce décret ainsi que d’un « questions-réponses » figurant sur le site internet du ministère du Travail.
ABANDON DE POSTES VALANT DÉMISSION ET EXCLUSION DE L’ALLOCATION DE RETOUR À L’EMPLOI.
Le décret du 17 avril 2023 a été pris en application de la loi du 21 décembre 2022 selon laquelle « l’abandon de poste » vaut désormais « démission » et conséquemment perte du bénéfice de l’aide de retour à l’emploi (ARE), c’est-à-dire de l’allocation chômage.
Pour l’UNSA, il s’agissait encore d’une mesure qui s’attaquait injustement et brutalement aux demandeurs d’emploi en réduisant le périmètre de leurs droits, sans tenir compte du motif de l’abandon de poste volontaire, parfois imputable à l’entreprise.
L’abandon de poste : minoritaire et peu motivé par l’assurance chômage
Si les cas d’abandons de poste existent, la disposition législative du 21 décembre 2022 a été prise sur la base de préjugés et de on-dit patronaux. À cette période, aucune étude ne permettait de le quantifier et d’en établir les causes. Par la suite, l’Unédic et la Dares ont publié des analyses comportant des limites méthodologiques, mais qui permettaient de mesurer le phénomène.
Ainsi, en 2022, avant l’entrée en vigueur du décret, l’abandon de poste restait minoritaire, avec 5 % des plus de 2,3 millions de fins de CDI sur un semestre. Surtout, seuls 43 % des abandons de poste ouvraient un droit à l’assurance chômage selon la Dares. La perception d’un droit à l’assurance chômage étant minoritaire, on peut en déduire que l’abandon de poste n’a pas comme objectif principal l’obtention d’allocations chômage*.
En outre, selon l’Unédic, la moitié des abandons de postes seraient actés en accord avec l’employeur et la plupart du temps après un refus de rupture conventionnelle**. Dans 23% des cas, c’est même l’employeur qui a suggéré l’abandon de poste.
Les motivations des salariés sont variées. Les conditions de travail reviennent principalement (absence d’évolution, reconnaissance, relation hiérarchique, charge de travail, horaires) suivies par la poursuite d’objectifs personnels et professionnels ou des souhaits de reconversion ainsi que des problèmes de santé, de mal-être ou de harcèlement.
Le Conseil d’État rejette les recours de l’UNSA…
Dans sa décision, le Conseil d’État souligne que l’abandon de poste est à l’initiative du salarié et non de l’employeur, ce qui ne garantit pas obligatoirement le licenciement. Cependant, comme indiqué dans le décret, il rappelle que la présomption de démission ne s’applique pas en cas de motifs légitimes (maladie, droit de retrait, droit de grève).
Il rejette aussi plusieurs arguments des organisations syndicales car ceux-ci faisaient davantage référence à la loi qu’au décret évoqué. Par ailleurs, le Conseil d’État n’a pas statué sur le recours contre le « questions-réponses » mis en ligne sur le site Internet du ministère du Travail. Il avait en effet été retiré -tout du moins sa partie discutable- après dépôt des recours. Ce « questions-réponses » affirmait que les employeurs étaient obligés de déclencher la procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste. Or, ni la loi ni le décret du 17 avril 2023 ne le stipulent. Ils conservent donc le choix entre le licenciement (comme avant le décret) et la présomption de démission.
Seule concession du Conseil d’État : il ajoute une précision par laquelle au moment de la mise en demeure du salarié de s’expliquer sur son absence, l’employeur doit l’informer expressément des conséquences, c’est-à-dire lui indiquer notamment que l’absence injustifiée sera considérée comme un abandon de poste volontaire exclusif du bénéfice de l’assurance chômage.
Sur ce point, il reste contestable qu’après avoir constaté que le décret ne comportait pas certaines prévisions indispensables dans la mise en demeure, le Conseil d’État n’ait pas annulé le décret, sur un point majeur, le complétant lui-même d’une condition substantielle et non purement formelle.
Pour l’UNSA, le refus du Conseil d’État d’annuler le décret du 17 avril 2023 repose donc sur une argumentation qui comporte de réelles limites. Elle réserve sa décision sur l’opportunité de poursuivre la bataille juridique.
* Selon l’Unédic, 43% des interrogés auraient démissionné ou tout de même abandonné leur poste s’ils n’avaient pas eu droit à l’assurance chômage et 21 % ne savent pas ce qu’ils auraient fait.Retour ligne automatique
** 80% des demandeurs d’emploi interrogés par l’Unédic avaient sollicité une rupture conventionnelle