Anticiper la menace que peut représenter la mise à pied disciplinaire d’un salarié protégé !

Ordonnance justice

La mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n’est pas subordonnée à l’accord du salarié…

JURISPRUDENCE SOCIALE DU SALARIÉ PROTÉGÉ…

A propos de la décision de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 décembre 2024, n° 23-13.332, Publiée au bulletin.

Les faits…

Un salarié représentant du personnel a été notifié d’une mise à pied disciplinaire de cinq jours.

Celui-ci conteste la sanction devant les prud’hommes et obtient gain de cause.

L’employeur interjette l’appel devant la Cour d’appel d’Aix en Provence, qui le déboute de ses demandes et l’employeur doit payer les salaires avec intérêts de droit, à compter du 25 septembre 2017 et “anatocisme” (les intérêts sont intégrés dans le total des dettes pour calculer à nouveau les intérêts à courir, ce qui augmente fortement les sommes dues).

Les arguments de l’employeur reposent sur les effets de la mise à pied disciplinaire ; comme elle ne modifie pas le contrat de travail, mais le suspend, elle n’est pas subordonnée à l’accord du salarié.

Cour de Cassation :

La cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, et l’employeur n’a plus à payer les sommes dues.

L’état du Droit ?

Il s’agit d’un arrêt de revirement assez soudain. Jusque-là, les juges de fond admettaient « qu’il est constant qu’une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié protégé, ne peut être imposée à celui-ci “.

Cependant, en cas de refus explicite du salarié protégé, l’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, en lieu et place de la sanction refusée.

Désormais, le juge considère qu’une suspension du contrat n’est ni une modification du contrat ni des conditions de travail, et s’impose au salarié.

Cette position n’est pas très favorable aux salariés protégés.

Déjà, cette sanction se trouve juste en dessous du licenciement. Elle suspend également le salaire et l’acquisition de congés payés et d’autres avantages conventionnels.

Mais le juge, qui conditionnait la sanction à l’accord du salarié (ou à tout le moins à son refus explicite… ) en avait probablement refréner son utilisation.

Jurisprudence et actions syndicales…

Cette solution aboutit sans ambages à un amoindrissement du statut protecteur.

Dans l’avenir, un employeur pourrait renoncer à engager une procédure de licenciement, dont l’issue reste incertaine car soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Mais en même temps, il peut choisir de s’attaquer à la (souvent unique) source de revenus du salarié protégé, sans avoir d’autorisation préalable. La menace est certaine et la prudence de mise…

A noter ! il ne faut toutefois pas confondre avec la “mutation disciplinaire” (modification du contrat pour un motif personnel, avec un avenant à la clé…), qui doit toujours emporter l’accord du salarié parce qu’elle modifie le contrat de travail, même si elle est temporaire.

Prévention de la mise à pied mal fondée…

Sachons raison garder toutefois… La question va se déplacer sur celle de la réalité et du sérieux du motif disciplinaire de la sanction de “mise à pied”.

Des mises à pied mal fondées ou destinées à exercer des formes de pressions sur les représentants du personnel ou, pour l’employeur, à se constituer artificiellement des motifs de mise en cause du salarié protégé, auront tout fait d’être requalifiées, collectivement, en entraves au fonctionnement du mandat ou, individuellement, en harcèlement et autres discriminations…

Cherchez toujours à tracer vos actions et à formaliser vos échanges, vous donner la possibilité de produire des témoignages, à demander des écrits lorsque vous vous trouver placer dans des situation qui pourraient se retourner contre vous.

Prenez l’attache de votre syndicat ou des services d’UNSA Please (adhérents) pour vous informer et prévenir.

SOURCES :

Adib Mouhoub, Juriste en droit social, Pôle service juridique, Secteur Juridique National UNSA.

juridique@unsa.org