La rupture conventionnelle du contrat de travail découle de l’accord entre un salarié et son employeur, de mettre un terme à la relation de travail qui les lie.
Cependant, lorsque le consentement d’une des parties est vicié, la nullité de la rupture conventionnelle peut être demandée. Le consentement peut être vicié par l’erreur, le dol ainsi que la violence (article 1130 du code civil).
JURISPRUDENCE RUPTURE CONVENTIONNELLE
Le dol peut être caractérisé, quand un des contractants dissimule intentionnellement une information, dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (article 1137 du code civil).
Lorsque le consentement du salarié est vicié, l’annulation de la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, les effets ne sont pas les mêmes, lorsque le consentement de l’employeur est vicié.
° EN BREF
Par un arrêt en date du 19 juin 2024, n° 23-10.817, la Chambre sociale de la Cour de cassation déclare que si un salarié commet un dol, en dissimulant délibérément des éléments déterminants pour que l’employeur consente à une rupture conventionnelle individuelle, la nullité de la convention de rupture, du fait du consentement vicié, produit les effets d’une démission.
° CONTEXTE…
Une rupture conventionnelle individuelle a été réalisée entre un salarié, engagé en qualité de technicien commercial puis exerçant des fonctions de responsable commercial, et son employeur.
Cependant, afin d’obtenir le consentement de son employeur à cette rupture conventionnelle, le salarié a invoqué un souhait de reconversion professionnelle dans le management, alors qu’en réalité, il préparait la création d’une nouvelle entreprise, directement concurrente à celle de son employeur.
L’employeur a alors contesté la rupture conventionnelle en demandant son annulation, au motif que son consentement avait été vicié.
° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION
La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié et confirme l’analyse de la cour d’appel de Toulouse, qui donne raison à l’employeur.
Tout d’abord, la Chambre sociale rappelle que selon l’article 1137 du code civil, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information, dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie, constitue un dol.
Elle souligne qu’en l’espèce, l’employeur a accepté la rupture conventionnelle individuelle notamment en raison du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management, invoqué par le salarié. Le salarié avait volontairement omis de dévoiler des informations à l’employeur, afin d’obtenir son consentement à la rupture conventionnelle. Il soutenait qu’il n’était pas obligé de révéler certaines informations, puisqu’aucune clause de non-concurrence ne les liait et qu’il n’avait aucune obligation d’informer son cocontractant de son projet professionnel futur. De plus, il arguait de sa liberté d’exercice d’une activité professionnelle.
La Chambre sociale, tout comme la cour d’appel, estime que le consentement de l’employeur a bien été vicié et ce, sans faire peser sur le salarié une obligation d’information contractuelle, ni porter atteinte à sa liberté d’entreprendre. Cette caractérisation du vice entraîne la nullité de la convention de rupture.
Par ailleurs, la Chambre sociale affirme que lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission.
Ainsi, après la caractérisation du dol entraînant la nullité de la convention de rupture, la Chambre sociale déclare que la rupture s’assimile en une démission.
° ÉCLAIRAGES
Par cette jurisprudence, la Chambre sociale de la Cour de cassation insiste sur le fait que la rétention d’une information faite par le salarié doit avoir été déterminante du consentement de l’employeur, pour constituer un dol et provoquer la nullité de la convention de rupture.
Toutefois, l’employeur, qui réclame l’annulation de la convention de rupture, devra ramener la preuve du caractère déterminant de l’élément dissimulé par le salarié.
En effet, selon la jurisprudence actuelle, si la rétention de l’information n’est pas déterminante, alors le dol ne sera pas caractérisé et la convention de rupture ne sera pas annulée (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-15.909).
Par ailleurs, en décidant que les effets de l’annulation de la rupture conventionnelle dans une telle situation soient ceux d’une démission, la Chambre sociale recadre les salariés, qui seraient tentés de dissimuler des informations cruciales à leur employeur, dans le cadre des négociations en vue d’une rupture conventionnelle individuelle.
En effet, les conséquences d’une démission demeurent lourdes pour le salarié, puisqu’il devra restituer à l’employeur l’indemnité spécifique de rupture et lui verser une indemnité compensatrice de préavis.
° DROIT EN ACTIONS
Dès lors, si un salarié souhaite conclure une rupture conventionnelle individuelle avec son employeur, il lui est vivement conseillé de ne pas dissimuler d’informations qui pourraient influer sur le consentement de l’employeur.
En pratique, il peut être complexe de savoir quelles informations peuvent être déterminantes ou non du consentement de l’employeur. En cas de doute sur une information, il est recommandé de demander un avis extérieur, tel que celui d’un représentant du personnel, voire de dévoiler l’information, puisqu’il faut le rappeler la rupture conventionnelle individuelle reste le fruit d’un commun accord.
À l’inverse, si le consentement du salarié est vicié parce que l’employeur a dissimulé une information déterminante du consentement du salarié, le salarié pourra contester la rupture conventionnelle en saisissant le conseil de prud’hommes, et en cas d’annulation de la convention de rupture, celle-ci produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cette situation, le salarié devra ramener la preuve du caractère déterminant de l’élément dissimulé par l’employeur.
Auteure, Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Pour toute remarque, juridique@unsa.org.