Acquisition de congés payés en arrêt maladie : comprendre la loi, réclamer ses droits !

L’intervention du législateur, tant attendue, pour assurer la conformité du droit national au droit européen en matière de congés payés, s’est matérialisée par une nouvelle loi.

La loi n° 2024-364 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole a été promulguée au Journal Officiel le 23 avril 2024. Cette dernière n’a pas été présentée au Conseil constitutionnel avant d’être promulguée, ce qui laisse la porte ouverte à quelques questions prioritaires de constitutionnalité à l’avenir …

Cette loi modifie particulièrement le régime de l’octroi des congés payés en arrêt de travail, notamment par le changement du chapitre relatif aux congés payés dans le code du travail (articles L. 3141-1 à L. 3141-33), ainsi que le régime du congé parental dans la fonction publique en adaptant l’article L. 515-8 du code général de la fonction publique.

Au regard du principe de faveur, la Direction générale du Travail (DGT) rappelle que les conventions collectives et autres accords qui offrent des règles d’acquisition de congés payés pendant les arrêts de travail plus favorables que cette loi, ne sont pas remis en cause et restent valables.

Face à ces nouvelles dispositions, de nombreuses questions peuvent se poser ! Un questions-réponses s’imposait, il sera évolutif au fil des évolutions des connaissances et des pratiques, de la jurisprudence aussi… A vos marques !

– Est-ce que cette loi concerne seulement vos congés payés en arrêt de travail pour maladie professionnelle ?

Non, cette loi supprime la distinction préexistante entre arrêt maladie de nature professionnelle et arrêt maladie de nature non professionnelle. Ainsi, dans le cas d’un arrêt maladie professionnel, non professionnel et en cas d’accident de travail, ces périodes d’arrêt de travail sont prises en compte pour l’acquisition des congés payés.

Cependant, le système d’octroi des congés payés n’est pas le même en fonction de la nature de l’arrêt de travail.

– Est-ce qu’en arrêt de travail pour cause d’accident ou pour une maladie n’ayant pas un caractère professionnel, vous avez le droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur ?

Non, la durée du congé auquel vous avez droit en arrêt de travail pour un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel, est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence.

Dès lors, un décompte séparé des congés acquis au titre de cette suspension du contrat devra être fait par rapport au décompte des congés acquis classiquement, puisque le système d’acquisition n’est pas similaire. La DGT préconise d’appliquer une règle de calcul équivalente, « règle de trois », pour les deux jours ouvrables de congé acquis par mois en cas de maladie non professionnelle.

Lorsque vous êtes absent seulement quelques jours dans le mois, la DGT conseille d’effectuer une proratisation, sachant qu’un mois de travail effectif équivaut à vingt-quatre jours ouvrables travaillés ou vingt jours ouvrés dans une entreprise fonctionnant sur cinq jours par semaine.

Lorsque le nombre de congés payés acquis n’est pas entier, la loi nouvelle impose d’arrondir au nombre entier supérieur et ce, sur le total des congés payés acquis par le salarié au cours de la période de référence selon la DGT.

– En arrêt de travail pour cause d’accident ou pour une maladie n’ayant pas un caractère professionnel vous pouvez bénéficier de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence, mais qu’est-ce qu’une période de référence ?

La période de référence est la période au cours de laquelle les jours de congés payés sont cumulés. Elle dure en principe une année.

En l’absence d’accord collectif, la période de référence des congés payés est comprise entre le 1er juin de l’année précédente et le 31 mai de l’année en cours.

– Et pour un arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ?

Dans ces situations-là, vous avez droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

– Est-ce qu’il existe encore une limite pour acquérir mes droits à congés en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ?

Non, la limite d’un an pour acquérir des droits à congés en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle a été supprimée.

Ainsi, toutes les périodes de suspension pour cause d’arrêt de travail liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, quelle que soit leur durée, y compris celles qui excèdent un an, seront prises en compte pour acquérir des droits à congés payés.

En revanche, la suppression de la limite d’un an ne signifie pas qu’un cumul des congés payés est possible continuellement, lorsque l’arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années. En effet, les règles de report n’autorisent pas de cumuls illimités.

– Et en cas d’arrêt de travail pour cause d’accident ou pour une maladie n’ayant pas un caractère professionnel, le cumul est-il aussi limité ?

Oui, le cumul des congés payés n’est pas possible également continuellement, lorsque l’arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années. En effet, les règles de report n’autorisent pas de cumuls illimités.

– La loi prévoit une période de report, à quoi correspond cette notion ?

Lorsqu’un salarié est dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés, tout ou partie des congés qu’il a acquis, il bénéficie d’une période de report.

Le début de la date de report dépend de la durée de suspension du contrat de travail :

  • Si le contrat de travail est suspendu depuis au moins une année, en raison d’un arrêt maladie ou d’un accident de travail, la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence, au titre de laquelle les congés ont été acquis.
  • Dans les autres cas, lorsque le contrat de travail est suspendu moins d’une année, le point de départ est la date à laquelle vous recevez les informations de votre employeur sur les congés dont vous disposez qui n’ont pas pu être pris, lors de la période de prise de congés en raison d’un arrêt de travail.

– Quelle est la durée de la période de report ?

En arrêt de travail, vous disposez d’une période de report de quinze mois des congés non pris.
Au-delà de cette période de report, si vous avez été informé de vos droits par l’employeur et n’avez pas pris ses jours de congés, les jours de congés non pris seront définitivement perdus.

La loi prévoit la possibilité de fixer une période de report supérieure, par un accord collectif ou une convention collective.

– La limite de vingt-quatre jours de congés payés par année s’impose-t-elle également aux congés prévus conventionnellement ?

Non, la limite s’applique seulement aux congés payés acquis en application des dispositions légales. La loi offre la possibilité de prévoir un régime plus favorable par accord collectif.

– Est-il possible de cumuler les droits aux congés payés sur plusieurs années, soit vingt-quatre jours multipliés par le nombre d’années d’arrêt de travail ?

Les règles relatives au report limitent les possibilités de cumul lorsque la durée de l’arrêt de travail excède une année. Ainsi, les droits à congés payés expirent au terme du délai de report de quinze mois par période de référence et ce, même si le salarié continue d’être en arrêt de travail.

– Pouvez-vous demander des droits aux congés payés au titre des années précédentes, durant lesquelles il a été en arrêt de travail ?

Oui, la loi prévoit une rétroactivité. Les nouvelles dispositions légales sont applicables aux situations antérieures, c’est-à-dire celles courant à partir du 1er décembre 2009, jusqu’au 24 avril 2024, sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition des droits à congés.

– Pourquoi la rétroactivité s’effectue depuis le 1er décembre 2009 ?

Le 1er décembre 2009 correspond à la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a rendu d’application directe les règles fixées par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont celle qui déclare que tout travailleur doit bénéficier d’au moins quatre semaines de repos. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de ce Traité, le salarié peut revendiquer ce droit à congés payés.

– Est-ce à l’employeur ou à vous de s’informer sur les droits à congés payés ?

Dans le mois qui suit la reprise du travail, la loi prévoit une obligation d’information incombant à l’employeur. L’employeur doit donc informer le salarié sur le nombre de jours de congés dont il dispose et également la date à laquelle ces jours peuvent être pris. Cette information est donnée par tout moyen conférant une date certaine à leur réception, tel que par le biais du bulletin de salaire.

Puisque le texte ne prévoit pas de durée d’absence minimale déclenchant l’obligation pour l’employeur de délivrer cette information, la DGT estime que l’employeur est tenu d’informer le salarié à la reprise de tout arrêt de travail et ce, quelle que soit sa durée. La DGT trouve opportun que l’employeur indique le nombre de jours de congés payés dont le salarié dispose au jour de sa reprise de travail. De plus, la DGT précise que le décompte du délai d’un mois se réalise de date à date, donc en jours calendaires.

– Comment se calcule mon indemnité de congés payés due ?

Pour le calcul de l’indemnité de congés payés, il convient d’appliquer la règle du dixième. Pour cela, il convient de prendre en compte la rémunération dans la limite de 80 %.
Vous devez être attentifs au fait que cette indemnité de congés payés ne peut être inférieure au salaire que vous auriez perçu si vous aviez travaillé à cette période. Ainsi, dans certains cas, la règle du maintien de salaire est plus favorable que la règle du dixième.

– Lorsque l’employeur refuse d’accorder les jours de congés, quels sont les moyens d’actions que vous avez ?

En cas de refus de l’employeur, il est possible de saisir le conseil de prud’hommes compétent.

Le délai dépend de la présence du salarié ou non dans l’entreprise au 24 avril 2024 :

Si vous étiez présent dans l’entreprise au 24 avril 2024 (date d’entrée en vigueur de la loi), le délai sera de deux années à compter du 24 avril 2024, pour une action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’octroi de jours de congé. Les salariés auront donc jusqu’au 24 avril 2026 pour réclamer leurs droits à congés payés.

Si vous avez quitté l’entreprise avant le 24 avril 2024, le délai sera de trois années à compter de la rupture du contrat de travail, puisque la prescription triennale, de l’article L 3245-1 du code du travail applicable aux créances salariales, s’applique.

– Que faire si vous avez quitté l’entreprise avant le 24 avril 2024 ?

Dans l’attente d’un potentiel éclaircissement du ministère du Travail, nous vous préconisons cette mise en œuvre :

Tout d’abord, il est conseillé de contacter l’employeur afin de lui demander le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés. Votre syndicat UNSA d’adhésion peut appuyer votre prise de contact et réclamation.

Il est recommandé de résoudre à l’amiable cette situation, afin de ne pas surcharger les rôles des Conseils de Prud’hommes et de ne pas attendre plusieurs mois, voire années, le versement de cette indemnité.

Si l’employeur refuse, il est possible de réclamer ces sommes en saisissant le juge prud’homal, dans un délai de trois ans à compter de la rupture du contrat du salarié.

Comme déjà évoqué avant la parution de la loi, la prescription de l’action à trois ans reste un point de vigilance pour toutes les situations antérieures.

DROITS ET SYNDICAT UNSA EN ACTIONS : CAS PRATIQUES

EXEMPLES :
● En arrêt pour maladie non professionnelle depuis le 1er janvier 2014, vous êtes toujours chez votre employeur :

Si vous revenez en 2024, l’employeur vous préviendra de vos droits à congés payés et bénéficierez des droits à congés payés au titre de l’année 2022, si la période de report de quinze mois n’est pas éteinte, plus les droits à congés payés au titre de l’année 2023 et de la période restante en 2024. Ainsi, une bonne partie des jours seront malheureusement perdus, du fait des règles de non-cumul et de report.

● En arrêt pour maladie non professionnelle du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017, vous êtes toujours chez votre employeur :

Vous bénéficiez de deux jours de congés payés par mois multipliés par les six mois d’arrêt de travail, soit douze jours de congés payés, à demander à votre employeur.

● En arrêt maladie non professionnelle du 1er janvier 2024 au 29 février 2024, vous n’êtes plus chez votre employeur depuis le 1er mars 2024 :

Vous sollicitez votre ancien employeur afin d’obtenir l’indemnité compensatrice de congés payés, équivalente à quatre jours de congés payés acquis au titre de ces deux mois d’arrêt de travail. Si l’employeur refuse, vous pouvez saisir le conseil des prud’hommes, dans un délai de trois ans à compter du 24 avril 2024.

● En arrêt de travail pour accident de travail du 1er janvier 2024 au 29 février 2024, vous n’êtes plus chez votre employeur depuis le 1er mars 2024 :

Vous avez acquis cinq jours de congés payés au titre de ces deux mois d’arrêt de travail en raison d’un accident de travail. Vous pouvez solliciter votre ancien employeur afin d’obtenir une indemnité compensatrice de congés payés équivalente. En cas de refus, vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes dans un délai de trois ans à compter du 24 avril 2024.

° La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 apporte aussi un changement concernant le congé parental dans la fonction publique, en calquant le régime sur celui du secteur privé.

– Est-ce que les droits acquis avant le congé parental restent utilisables à l’issue du congé ?

Effectivement, désormais, si vous êtes fonctionnaire et êtes en congé parental, vous conservez le bénéfice des droits acquis avant le début du congé, que vous n’étiez pas en mesure d’exercer en raison de ce congé.

– La loi a changé le régime de la fonction publique, mais qu’en est-il du secteur privé ?

Le salarié en congé parental conserve également le bénéfice de tous ses avantages acquis avant le début du congé.

Que faire si vous n’avez pas pu prendre vos congés payés annuels en raison du congé parental ?

Le travailleur, quel que soit son statut public/privé qui n’a pas pu prendre ses congés payés annuels au cours de la période de référence, en raison de son congé parental, peut demander à ce que ces congés soient reportés après la date de reprise du travail.

Si le contrat de travail a été rompu, vous pouvez demander une indemnité compensatrice de congés payés, pour les jours non pris en raison du congé parental.

Cette procédure s’applique aussi pour les autres droits acquis.

Pour toute question juridique, vous pouvez vous adresser à :

  • votre syndicat ou fédération UNSA d’adhésion de votre branche ou secteur professionnel (l’UNSA est interprofessionnelle et couvre toutes les professions, du privé et du public).
  • juridique@unsa.org
  • salariés des TPE (très petites entreprises, moins de 11 salariés), écrire (courriel) à tpe@unsa.org ou pour ces salariés exclusivement de ces TPE tél. au 09 69 36 69 00 (France métropolitaine), 0690 76 40 59 (Antilles-Guyane), 0692 66 43 75 (Réunion).
  • Pour les sections syndicales, membres de CSE, délégués syndicaux UNSA, UR, UD, UL, syndicats & fédérations UNSA : unsaplease@unsa.org ou au 09 69 36 00 70.

Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA