Une liberté « encadrée » par les juges en matière de gestion des périodes d’essai…
JURISPRUDENCE SOCIALE
A propos du jugement, Cour de cassation, 25 janvier 2023 n° 21-13.699.
Le renouvellement de la période est un sujet délicat pour les parties et il est important que cette possibilité soit suffisamment bien encadrée avant l’exécution même du contrat.
La règle est double : le renouvellement de la période d’essai ne peut intervenir qu’une seule fois et si un accord de branche étendu le prévoit.
Cette possibilité doit également avoir été expressément stipulée dans le contrat de travail ou la lettre d’engagement. Ainsi, le salarié doit consentir de manière claire et non équivoque à ce renouvellement.
En cas de doute sur ce consentement, les juges peuvent l’établir en s’appuyant sur d’autres éléments.
Dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date 25 janvier 2023 (n° 21-13.699), faute d’accord exprès du salarié au renouvellement de sa période d’essai, les juges ont établi le consentement de ce dernier par des échanges de courriels du salarié adressés à d’autres recruteurs.
Il s’agissait d’un salarié embauché en qualité de directeur des ressources humaines sous le statut de cadre dirigeant en contrat à durée indéterminée. Le salarié bien qu’ayant signé la lettre de renouvellement sans autre mention conteste la validité de ce renouvellement. Considérant ne pas avoir accepté ce renouvellement de manière claire et non équivoque, il saisit le Conseil de prud’hommes.
La Cour d’appel rejette sa demande, constatant le consentement au renouvellement de la période d’essai par la signature apposée sur la lettre d’engagement et au regard des courriels du salarié adressés à d’autres recruteurs.
Le salarié forme un pourvoi en cassation, estimant notamment que les courriels adressés aux autres recruteurs mentionnant le renouvellement de sa période ne pouvait être constitutif d’accord clair et non équivoque à celle-ci.
L’argument est rejeté par la Cour de cassation qui relève que la cour d’appel avait, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, bien relevé, que le salarié avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d’accepter le renouvellement de sa période d’essai lors de ses courriels.
La Cour de cassation approuvant la cour d’appel a considéré que la période d’essai avait donc été régulièrement renouvelée et, tout aussi régulièrement, rompue.
Un échange de courriels peut établir le consentement du salarié
Les échanges de courriels entre un salarié et d’autres recruteurs sont des éléments pour apprécier le consentement du salarié au renouvellement de sa période d’essai. En indiquant à d’autres recruteurs que sa période d’essai était renouvelée, le salarié a manifesté sa volonté d’accepter ce renouvellement…
Cette décision peut paraitre surprenante. Rappelons que la Cour de cassation est exigeante sur cette notion de consentement du salarié dans cette hypothèse. Elle estime que ce renouvellement exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié, qui ne peut être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l’employeur (Cass. soc. 25 nov. 2009, n° 08-43.008 ; Cass. soc. 22 septembre 2015, n° 14-11.731).
La signature ne suffit donc pas mais la mention d’un renouvellement dans un courriel envoyé à d’autres recruteurs peut suffire… L’objet de ces mails est détourné, le salarié à la recherche d’emploi s’adresse à d’autres recruteurs, il mentionne le renouvellement de sa période : c’est suffisant pour être « une manifestation claire et non équivoque ». Nul doute que la notion de consentement est écornée par cette regrettable décision…
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