CSE : les sections syndicales ne peuvent contester la décision unilatérale relative aux établissements distincts
Les sections syndicales n’ont pas la personnalité juridique et ne disposent donc pas du droit d’agir. Ainsi, le juge ne peut statuer sur la détermination des établissements distincts pour les élections du CSE si l’annulation de la décision de la Direccte résulte de l’irrecevabilité du recours de sections syndicales contre la décision unilatérale de l’employeur.
La détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts est un enjeu important des élections professionnelles. Avec la création du CSE, la tendance est à la réduction du nombre d’établissements, voire au CSE unique, même dans des entreprises autrefois découpées en plusieurs établissements.
Rappelons qu’en l’absence d’accord, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (C. trav., art. L. 2313-4). Cette décision est portée à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise, par tout moyen. A compter de cette date, ces dernières ont 15 jours pour contester cette décision devant la Direccte (C. trav., art. R. 2313-1). Cette dernière décision peut ensuite faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (C. trav., art. L. 2313-5).
Mais il est bien sûr nécessaire que la contestation soit effectuée par une personne juridique ayant qualité à agir. C’est sur ce point que la Cour de cassation apporte une précision logique mais néanmoins importante et en précise les conséquences : les sections syndicales ne peuvent agir en leur nom.
Irrecevabilité de la contestation, par des sections syndicales, de la décision unilatérale devant la DireccteDans cette affaire, une entreprise fixe, suivant une décision unilatérale en date du 11 décembre 2018, à trois le nombre de ses établissements distincts. Par décision du 5 mars 2019, la Direccte rejette la contestation formée contre cette décision unilatérale et retient un découpage identique. Plusieurs syndicats contestent devant le juge judiciaire cette décision de la Direccte, le 21 mars 2019.
Mais un problème se pose : c’est au nom des différentes « Sections syndicales » que la contestation de la décision unilatérale de l’employeur est adressée à la Direccte. En effet ce courrier de saisine de la Direccte précise uniquement en entête, à l’emplacement de l’expéditeur, ces différentes sections syndicales et il est signé par des salariés au nom de leur section syndicale à nouveau.
Or, conformément à l’article R. 2313-1 al. 3 du code du travail, ce ne sont pas les sections syndicales qui sont bénéficiaires du droit de contester la décision unilatérale de l’employeur, mais « les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ». En outre les sections syndicales sont des émanations du syndicat en entreprise, et ne disposent pas en tant que telles de la personnalité juridique.
Et en effet, le tribunal d’instance, saisi par les syndicats en contestation de la décision de la Direccte annule cette dernière au motif que l’autorité administrative n’a pas été valablement saisie par les sections syndicales. Puis, le tribunal substitue sa propre décision et fixe à 12 le nombre d’établissements distincts.
L’employeur conteste cette décision. Pour lui, la Direccte n’ayant pas été valablement saisie, le tribunal ne peut statuer lui-même sur le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l’absence de saisine valable de l’autorité administrative dans les 15 jours, la décision unilatérale de l’employeur devient en effet définitive.
Impossibilité pour le juge de statuer à nouveau sur la détermination des établissements distincts. Et la Cour de cassation est d’accord : « lorsque le juge annule la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l’entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d’agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et sur ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative ».
La Cour précise que la décision de la Direccte, ainsi que le jugement du tribunal d’instance sont cassés mais que l’affaire n’est pas renvoyée.
Pas de forme particulière pour la saisine de la Direccte. Cette solution apparaît comme logique et inévitable : si un recours est exercé par une entité qui ne dispose pas de la personnalité juridique, ou par une personne juridique qui ne dispose pas de la qualité à agir en général, la décision qui en résulte doit être annulée. En fait, l’autorité saisie de cette contestation ne devrait pas se prononcer sur ce recours et le rejeter. C’est pourquoi, dans ce cas, le tribunal saisi d’une contestation sur la décision de l’autorité administrative ne peut pas se prononcer sur le fond et déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts, mais peut seulement annuler cette décision.
Il convient donc d’être prudent sur la rédaction du courrier de contestation. Même si aucune forme particulière n’est prévue, le courrier doit indiquer clairement de qui il émane afin de pouvoir déterminer si la qualité à agir est régulière. Or dans cette affaire, les rédacteurs signent au nom de leurs sections syndicales respectives et non au nom de leur organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise. Il semble que l’autorité administrative n’a même pas à vérifier la qualité des salariés signataires, et s’ils disposent ou non de la qualité de former un recours au nom et pour le compte de leur organisation syndicale, dès lors que le courrier de contestation n’y fait pas référence.
Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent Social
Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-21.086