Sommaire :
- Rappel des conditions requises pour désigner un RSS et le choix de la Cour de cassation d’ajouter une 5ème condition : la transparence financière ;
- Faits et procédure
- Question posée au Conseil constitutionnel
- Décision du Conseil constitutionnel
- Apport de la décision
- Analyse UNSA
1 – La transparence financière : une condition requise pour désigner un RSS :
Les syndicats non représentatifs peuvent désigner un représentant de la section syndicale (RSS), à condition de répondre aux exigences suivantes (c. trav. art. L. 2142-1 et L. 2142-1-1) :
-avoir au moins deux adhérents dans l’entreprise ou l’établissement ;
-satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ;
-être légalement constitué depuis au moins 2 ans ;
-avoir un champ professionnel et géographique qui couvre l’entreprise concernée.
En 2017, la Cour de cassation a créé la surprise en ajoutant une cinquième exigence, normalement réservée aux syndicats représentatifs (c. trav. art. L. 2121-1) : celle de la transparence financière (cass. soc. 22 février 2017, n° 16-60123, BC V n° 29). Elle a depuis réaffirmé sa position (cass. soc. 17 octobre 2018, n° 18-60030 FSPB ; cass. soc. 17 octobre 2018, n° 17-19732 FSPB).
2 -Faits et procédure :
L’union des syndicats anti-précarité (USAP) informe une entreprise de la désignation d’un représentant de section syndicale.
L’employeur, estimant notamment que le syndicat ne remplissait pas le critère de transparence financière exigé par l’article L. 2121-1 du Code du travail, saisit le tribunal compétent d’une demande d’annulation de cette désignation.
Le tribunal d’instance a posé une question prioritaire de constitutionnalité, dont l’objet est de déterminer si l’interprétation que la Cour de cassation fait de ses dispositions ne méconnaît pas le principe de liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d’égalité devant la loi et le principe de séparation des pouvoirs.
Dans sa question, le tribunal cite aussi les articles L. 2142-1 et 2142-1-1 du Code du travail relatifs aux sections syndicales et aux représentants de section syndicale. Or ces dispositions, si elles font référence aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, ne font pas état de celui de transparence financière.
La Cour de cassation a jugé la question pertinente.
Les Hauts magistrats ont d’abord acté que « il existe une interprétation jurisprudentielle constante de l’article L. 2121-1 du Code du travail par la Cour de cassation selon laquelle tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ».
Ils ont ensuite ajouté que « la disposition légale ainsi interprétée pourrait être regardée, s’agissant des syndicats non représentatifs, comme portant atteinte au principe de liberté syndicale ».
Dès lors, la Cour suprême a transmis la question au Conseil constitutionnel.
3 – La question posée au Conseil constitutionnel est la suivante :
En imposant aux syndicats non représentatifs de satisfaire au critère de transparence financière, la Cour de cassation ne rend-elle pas les dispositions de l’article L.2121-1 du Code du travail contraires aux principes de la liberté syndicale, de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, d’égalité devant la loi et de la séparation des pouvoirs ?
4 – Décision du Conseil constitutionnel :
- Sur la forme : le Conseil constitutionnel rappelle que le 12 novembre 2010, il avait déclaré les dispositions de l’article L.2121-1 du Code du travail conformes à la Constitution. Il relève cependant qu’il ne s’est pas prononcé sur le principe d’interprétation de l’arrêt du 17 février 2017 de la Cour de cassation qui précise que « pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, tout syndicat, qu’il soit ou non représentatif, doit satisfaire au critère de transparence ».
Le réexamen de ces dispositions est légitime.
- Sur le fond : Le Conseil constitutionnel relève que derrière l’obligation de transparence financière, le législateur a souhaité permettre aux salariés de s’assurer de l’indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts. Il relève que la preuve de ce critère se produit par la production de documents comptables ou tout autre document équivalent.
Le conseil constitutionnel estime que le fait d’imposer le respect de la transparence financière à l’ensemble des syndicats n’est ni une entrave à la liberté syndicale ni au principe de participation des travailleurs :
Selon l’avocat de la société Transdev, il est acquis que tous les syndicats sont soumis à des obligations comptables et que la transparence financière est une qualité intrinsèque qui garantit la capacité du syndicat représenter les intérêts de ses adhérents.
Pour rappel, des droits particuliers sont dévolus aux syndicats non représentatifs afin de leur permettre de développer leur action et de préparer les élections :
– Constitution de section syndicale
– Désignation du RSS
– Présentation de candidats au 1er tour des élections
La transparence financière est une qualité essentielle pour assurer l’effectivité de la liberté syndicale. En effet, les prérogatives du syndicat non représentatif consistent à développer une action pour le devenir :
- Protéger la liberté syndicale individuelle : cela permet aux adhérents de connaitre l’origine des ressources du syndicat
- Garantir l’indépendance financière
- Prouver que l’action du syndicat a un objet syndical
Et ainsi, renforcer la confiance des adhérents et des électeurs au sein de l’entreprise.
Cette exigence garantit la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité de traitement dans la compétitivité électorale : ce qui renforce les syndicats qui seront élus.
Cela permet aussi d’éviter l’opacité des comptes et la rupture d’égalité entre organisations syndicales.
Enfin, le principe d’égalité devant la loi, celui de la séparation des pouvoirs et tout autre droit et liberté garantis par la Constitution ne sont pas méconnus.
5 – Apport de la décision
Le principe de transparence financière : une condition reconnue nécessaire pour s’implanter dans l’entreprise
Les sept critères cumulatifs posés par l’article L. 2121-1 du Code du travail pour accéder au rang de syndicat représentatif, ne sont pas tous exclusivement dédiés à cet objectif. Certains d’entre eux, comme la transparence financière ici, sont davantage destinés à permettre de qualifier une organisation de syndicat habilité à s’implanter en entreprise et à y exercer une action syndicale. L’audience, l’influence, les effectifs d’adhérents et les cotisations seraient quant à eux spécifiquement relatifs à la représentativité.
Attention à l’incohérence des décisions rendues par la Cour de cassation sur l’appréciation du critère de transparence :
Inévitablement, le contentieux autour de la transparence financière s’est accentué depuis 2017. Le 13 juin 2019, la chambre sociale a rendu 4 arrêts (dont trois identiques) concernant la transparence financière imposée à un syndicat. Leur analyse montre que le contrôle léger de la Cour de cassation sur la qualification de la transparence financière et ses modalités conduit à une certaine incohérence dans la jurisprudence.
Exemple : La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que le syndicat échouait à établir la preuve de cette condition en raison de l’absence de publication des références aux pièces justificatives et ce alors même qu’il a produit ces pièces devant le tribunal. De la même manière, elle ne censure pas les juges ayant décidé que l’absence d’approbation des comptes par l’organe statutaire compétent constitue une violation de l’article L. 2135-4 du Code du travail empêchant le syndicat d’apporter la preuve de sa transparence financière. Or, il y a pourtant tout juste un an (Cass. soc., 6 juin 2018, no 17-18.420), la Cour n’avait pas sanctionné un tribunal qui avait considéré qu’un syndicat remplissait la condition de transparence financière sans vérifier la publication des références aux pièces justificatives. La Haute juridiction ne s’est pas davantage indignée de l’absence d’approbation des comptes par l’organe statutaire compétent. L’incompatibilité des deux solutions paraît résulter davantage de la grande liberté d’appréciation laissée aux juges du fond.
En pratique, force est de constater que les conditions d’appréciation de ce critère ne sont pas clairement fixées par la jurisprudence.
6 – Analyse UNSA :
En accréditant le respect du principe de transparence dès la désignation du RSS, le Conseil constitutionnel rend l’enjeu de ce contentieux d’autant plus important.
Il est à souhaiter notamment pour les syndicats revendiquant son respect que la Cour de cassation rende des décisions moins controversées en la matière.
La décision du Conseil constitutionnel renforce l’impératif pour les syndicats UNSA de respecter avec soin la procédure de préparation des élections, notamment lorsque les sections syndicales ne sont pas encore représentatives.
Le respect du critère de transparence financière pour ces dernières est cohérent avec la démarche de l’UNSA : Faire preuve d’autonomie en restant au service des adhérents, en application des règles et des textes constitutionnels.
Cette décision permet de garantir l’égalité de traitement entre organisations syndicales représentatives et organisations non représentatives : Point essentiel déjà revendiqué par l’UNSA avant la promulgation de la loi de 2008.
Préconisation UNSA :
Les syndicats de l’UNSA doivent impérativement respecter les règles de publication de leurs comptes et, par souci de vigilance, contacter UNSA COMPTA pour toute information si nécessaire.